L'intérêt
suscité par le témoignage d'Anne-Marie
lui a valu un certain nombre de contacts, essentiellement de la part de
victimes qui se sont reconnues dans ses mots. La demande faite par une
journaliste a convaincu Anne-Marie de compléter son
témoignage original par l'évocation de sa
reconstruction.
Ce témoignage peut être utilement
complété par celui d'Alicia.
Suite à mon témoigne sur le
site, j'ai été contacté par une
journaliste pour témoigner lors d'une émission de
radio sur le thème du harcèlement conjugal. J'ai
refusé de participer car je ne me sentais pas
prête à répondre à ses
questions qui étaient les suivantes:
Comment
vous en
êtes-vous sortie ?
Comment
vous êtes-vous
reconstruite ?
Comment
vivez-vous actuellement ?
Il m'est depuis apparu nécessaire de
Comme je l'ai écrit précédemment, c'est mon instinct de survie qui m'a poussé à fuir car je souffrais trop et j'avais l'impression de devenir folle. Après une violente crise, j'ai appelé mes parents au secours. Sans leur soutien et celui d'une poignée d'amis fidèles, je n'aurais pas franchi le cap. J'aurais sombré dans la dépression et en serait sûrement arrivée au suicide.
Les seuls soutiens valables sont ceux qui se contentent d'être là, disponibles, aimants et ne jugent pas car il est très difficile de comprendre le processus du harcèlement moral lorsqu'on ne l'a pas subi. L'aide d'un psychologue peut être utile, encore faut-il en trouver un valable qui sache appréhender ce genre de problème. Je pense que la meilleure aide est celle de personnes qui ont vécu une situation identique et s’en sont sorties.
J'ai mis 6 mois pour commencer à comprendre qui était réellement mon ex-compagnon et comment il m'avait manipulé. Et un an et demi pour analyser et valider ce que j'avais vécu.
A ce moment là, je me croyais sauvée, j'avais mis des mots sur ma souffrance, j'avais compris le sens de tout ce qui m'était arrivé, j'avais ressenti un grand soulagement dès que j'avais pu partager mes sentiments et me sentir comprise. Les troubles fonctionnels - fatigue, nervosité, troubles du sommeil, migraines, troubles digestifs, problèmes gynécologiques - dont je souffrais s'étaient estompés ou avaient disparu.
Mais je continuais à ruminer mon humiliation, mon sentiment d'injustice. Ces ressassements donnant à penser à mes proches que je me complaisais dans la plainte, dans mon statut de victime, que je ne voulais pas sortir de mon état de souffrance. J'ai pris conscience que le harcèlement moral est un taumatisme très particulier, qui laisse des traces indélébiles avec lesquelles il faut apprendre à vivre, mais dont on ne guéri vraiment jamais. Le corps semble garder malgré lui la mémoire du traumatisme, la dévalorisation persiste, la cicatrice psychologique fragilise, la tendance à douter de tout et de tout le monde persiste, d'où un changement durable de la personnalité.
J'avais appris dans d'autres moments difficiles à faire le deuil de personnes ou de situations. Dans le cas présent, ou on peut parler de meurtre psychique, je dois faire le deuil d'un amour pour une personne qui n'existait pas, car tout autre que ce que je pensais et en plus je dois me reconstruire, apprendre à être une autre, à m'accepter telle que je suis devenue.
Le plus difficile est toujours de combattre mes sentiments d'injustice et d'impunité. Comment faire reconnaître ces violences lorsqu'elles sont faites dans l'intimité la plus totale, sans témoin, sans coups ni blessures apparentes ?
Il ne peut y avoir de reconnaissance publique car il donne de lui une apparence irréprochable. Comme c'est moi qui suis partie, il a pu m'attribuer tous les torts, se faire passer pour une pauvre victime. De ce fait, sa famille et ses amis m'ont rejeté. Je ne serais jamais reconnue comme victime, je ne dois attendre aucune reconnaissance du préjudice subi.
Cependant, j'ai pu me reconstruire parce que j'ai dépassé ce constat en retrouvant l'estime de moi. Je n'ai pas gommé ou oublié, mais j'ai regardé au-delà des murs qui avaient été méthodiquement bâtis pour m'isoler de l'extérieur, des autres et de ma vraie vie.
La
clé de la reconstruction est passée par
la reconnaissance de ce que je suis et la perception de mes
qualités par des tiers, qu'ils
appartiennent
à ma sphère professionnelle ou
privée. Ce
regard-jugement que j'ai ressenti a inversé celui qui avait
été méthodiquement construit.
Quand j'ai pris conscience de la perception qu'avaient de moi ceux qui
m'entourent ou que je rencontre, j'ai
retrouvé les sensations de la vie et
cela a été vital pour retrouver mon
équilibre psychologique.
Grâce à cela, aujourd'hui, j'ai repris goût à la vie, je suis plus sereine, je me sens psychologiquement plus forte. J'ai encore des moments de doute mais je suis optimiste.
Il m'a fallu 3 ans pour en arriver là !
Bibliographie sommaire: (Voir la rubrique Bibliothèque Manipulateurs)
Le
harcèlement moral - la violence perverse au
quotidien
- M-F.
Hirigoyen (Bibliothèque
Livre
9)
Les
manipulateurs sont parmi nous –
I.
Nazare-Aga (Bibliothèque
Livre
12)
La pathologie narcissique
–
J.
Bergeret (Bibliothèque
Livre
14)
Petit
traité de manipulation à l'usage des
honnêtes gens –
R.V Joule
et J.L Beauvois (Bibliothèque
Livre
15)
La jouissance de
l'hystérique –
Lucien
Israel (Bibliothèque
Livre
16)
Les violences morales –
Nicole
Jeammet (Bibliothèque
Livre
17)
Pour en finir avec le
harcèlement psychologique –
Christian
Balicco (Bibliothèque
Livre
18)
Le harcèlement
moral –
F Ancibure
et Galan-Ancibure – Milan - 2006 (Bibliothèque
Livre
13)
Des perversions sexuelles
aux perversions morales –
Alberto
Eiguer (Bibliothèque
Livre
23)
Echapper aux
manipulateurs –
Cristel
Petitcollin (Bibliothèque
Livre
33)