Ce
témoignage vécu de harcélement dans le
domaine de
la vie privée conjugale est générique
car il
montre les méthodes
et le comportement double propres à tous les pervers
harceleurs, totalement différent entre la relation sans
témoin avec la victime et son attitude avec le monde
extérieur. Il ouvre aussi sur le vide,
les ambiguités
et les incohérences de celui pour qui la
manipulation est
vitale.
Les victimes, hommes ou femmes, se reconnaitront certainement
à
travers le descriptif, les interrogations et les ressentis
chronologiques que nous livre Anne-Marie. Ils puiseront aussi des
motifs, des espoirs et des pistes dans la suite de son
témoignage concernant sa reconstruction.
Une bibliographie sommaire sur le sujet a été
ajoutée en marge du témoignage.
Ce témoignage peut être utilement
complété par celui d'Alicia.
Ces
questions je me les suis posée maintes fois avant de
partir.
C’est mon instinct de survie qui m’a
poussé à fuir, pour ne plus
souffrir, parce que
déjà affaiblie physiquement, je ne supportais
plus qu’il me détruise moralement.
C’était également un ultime appel au
secours.
Après j’ai voulu
comprendre pour
éviter de sombrer dans la dépression,
pour me
reconstruire.
Nous ne
devons pas parler de la
même personne : il est
tellement gentil, tellement
sociable,
tellement
facile à vivre…de plus, c’est
un bon père, dévoué
…une
pauvre victime…
Faux, c’est un prédateur.
Il vous a berné…
Normal, il est très
fort, peu
de personnes arrivent à découvrir son
jeu.
Tel est le caractère et le comportement d’une personne faisant preuve de perversité.
Dans le
couple, le mouvement pervers se met en place quand
l’affectif fait défaut, ou bien
lorsqu’il existe une trop grande proximité avec
l’être aimé.
M’a-t-il
aimé et est-il capable d’aimer ?
Je pense qu’il voulait prouver qu’il
était capable de retrouver quelqu’un, à
ses proches et à son ex-compagne, par désir de
revanche… .comme le prouve son empressement à me
présenter sa famille, son ex famille et ses rares amis et
connaissances. De plus, il avait besoin de quelqu’un pour
assurer son intendance et celle de son fils.
Il n’a jamais
vraiment eu de gestes tendres à mon égard, ni au
départ , ni par la suite, sauf lorsqu’il
était en demande sexuelle. C’est toujours moi qui
allait vers lui, même en privé. En public, il ne
tolérait aucun geste affectueux, à part me tenir
par la main, peut être tout simplement pour montrer sa
possession.
J’ignore s’il éprouvait quelques
sentiments à mon égard au départ mais
je devais correspondre à ce qu’il cherchait.
S’il m’a aimé, ce dont je doute, ce fut
de courte durée.
Je crois qu’il est
incapable
d’aimer, qu’il
manque de profondeur affective. Le
refus de satisfaire mes besoins affectifs ne correspondait pas chez lui
à un simple manque d’amour ou de tendresse mais
à un
désintérêt absolu de
l’autre qui n’existe pas, ne compte
pas, sauf
s’il est utile.>
L’emprise
est mise en place progressivement : au
début, tout est parfait, presque trop, il tisse sa toile et
lorsqu’il a réussi à vous
séduire, que vous êtes déjà
affectivement sa prisonnière, il peut vous maintenir dans
une relation de dépendance.
Il
impose son emprise pour retenir l’autre, mais il craint
que l’autre ne soit trop proche, ne vienne
l’envahir. Le message non dit est « je
ne
t’aime pas » mais il est occulté pour
que l’autre ne parte pas et il est agi de façon
indirecte. Le partenaire doit rester là pour être
frustré en permanence; il faut en même temps
l’empêcher de penser afin qu’il ne prenne
pas conscience du processus, le
paralyser en le mettant en position de
flou et d’incertitude.
Cela lui évite de s’engager dans une
relation de
couple qui lui fait peur. Par ce processus, il maintient
l’autre à distance, dans des limites qui ne lui
paraissent pas dangereuses. S’il ne veut pas être
envahi par l’autre, il lui fait subir pourtant ce
qu’il ne veut pas subir lui-même, en
l’étouffant et en le maintenant à
disposition.
C’est
une coque vide qui n’a pas
d’existence propre; il cherche à faire
illusion
pour masquer son vide. N’ayant pas de substance,
il va se
brancher sur l’autre, comme une
sangsue, essayer
d’aspirer sa vie. Etant incapable de relation
véritable, il ne peut le faire que dans un registre pervers,
de malignité destructrice. Incontestablement, il ressent une
jouissance extrême, vitale,
à
la souffrance de
l’autre et à ses doutes, comme il
prend
plaisir à asservir
l’autre et
à
l’humilier.
Dans la
vie quotidienne, ces personnes immatures,
égocentriques ont instinctivement un comportement
manipulateur, jouant
délibérément avec
les émotions des autres pour obtenir quelque
chose
d’eux, afin de mieux les exploiter. Toute erreur ou
maladresse sera pointée comme venant d’une
intention maligne. L’autre
est forcément mauvais.
Leur violence est insidieuse, cachée, continue, jouant sur
les émotions par des attaques verbales à petites
touches (ironie,
sarcasmes, moqueries). Il était
particulièrement inventif dans ses insultes et savait
toucher
mes points faibles, ayant repéré mes
« fragilités », comme ma
précarité professionnelle et donc
pécuniaire, mon désir d’enfant
« frustré » .
Avec lui une
discussion portant sur la relation était
difficile, voire impossible, car il était obtu,
insensible
à mes émotions.
La
violence psychologique des pervers n’est absolument pas
impulsive mais, au contraire, instrumentale, dirigée vers un
but précis. Elle
n’est pas cyclique mais
permanente, et il ne faut attendre d’eux ni
demande de
réconciliation ni excuses. Ils sont calmes
froids et
semblent toujours contrôler la situation. Leur comportement
n’est pas conscient et
délibéré mais compulsif : ils ont
été obligés d’agir comme
ça, parce que l’autre l’a
cherché.
Il a
une vision très rigide du rôle de
l’homme et de la femme qui doit être soumise. Il a
essayé de m’isoler
affectivement, de me couper de
mes parents et de mes amis. Etant très
«
intéressé », il n’a jamais
tenté de me dissuader de travailler pour que je
dépende de lui matériellement. Par contre, il
voulait tout
contrôler, il aurait aimé que je
m’en réfère à lui pour tout,
que je le laisse tout régenter. Il fallait faire ce
qu’il voulait quand il voulait. Penser et dire comme lui.
Une conversation
d’égal à
égal était impossible car il se
mettait toujours
en position dominante, de celui qui sait.
Il m’acculait dans mes derniers retranchements. Tout ce que
je faisais pour désamorcer un conflit était
retourné contre moi. Si je réagissais en
m’énervant, j’étais
accusée de violence; si j’essayais calmement de
trouver des solutions, il m’accusait de calcul. Il ne
reconnaissait jamais qu’il s’était
trompé car il ne voulait pas que son autorité
soit affaiblie.
Tant que la femme accepte cette position inférieure, il
n’y a pas de problème. Si elle résiste
et essaie de s’exprimer, cela enclenche la violence.
Il attribue
aux autres les défauts qu’il refuse de
voir en lui.
Très susceptible, il suspectait des significations
cachées ou désobligeantes dans mes commentaires
ou à propos d’évènements
anodins. Le moindre faux pas était stigmatisé
sans aucune pitié et il était capable de
déployer toute une série d’arguments
imparables pour démontrer que j’étais
dans mon tort. Il pouvait faire preuve d’une
mauvaise foi
colossale.
Toute attitude qu’il vivait comme une offense pouvait
entraîner chez lui une rancune inflexible et destructrice.
Il garde une image flatteuse de lui-même se
considérant comme irréprochable, alors que les
autres sont mauvais.
Il se méfie de tout le monde et encore plus de ses proches,
il cache ses émotions, craignant que ce qu’il
considère comme des faiblesses, c’est à
dire les sentiments tendres qu’il peut éprouver,
soit utilisé contre lui. Il réprime ses affects
pour se protéger des autres.
Il me
faisait porter la responsabilité de tout ce qui
n’allait pas.
Je pense même qu’il a tout fait pour me forcer
à partir, pour me rendre responsable de
l’échec du couple, pour se positionner en victime,
comme il l’avait fait avec sa
précédente compagne.
La violence perverse dans le couple est souvent niée ou banalisée, réduite à une simple relation de domination. Les agressions sont subtiles, il n’y a pas de traces tangibles et les témoins tendent à interpréter comme de simples relations conflictuelles ou passionnelles entre deux personnes caractérielles ce qui est une tentative violente de destruction morale et même physique de l’autre, parfois réussie.
Un individu pervers est constamment pervers; il est fixé dans ce mode de relation à l’autre et ne se remet en question à aucun moment. Même si sa perversité passe inaperçue un certain temps, elle s’exprimera dans chaque situation où il aura à s’engager et à reconnaître sa part de responsabilité, car il lui est impossible de se remettre en question. Ces individus ne peuvent exister qu’en « cassant » quelqu’un : il leur faut rabaisser les autres pour acquérir une bonne estime de soi, et par-là même acquérir le pouvoir, car ils sont avides d’admiration et d’approbation. Ils n’ont ni compassion ni respect pour les autres puisqu’ils ne sont pas concernés par la relation. Respecter l’autre, serait le considérer en tant qu’être humain et reconnaître la souffrance qu’on lui inflige.
Il est rarement violent hors du foyer car il ne s’attaque pas à plus fort que lui. Il peut même se montrer soumis, voire obséquieux avec ceux qui le dominent. Mesdames si vous le rencontrez, sachez le reconnaître, le démasquer et passez votre chemin. Vous qui croyez le connaître et l’appréciez, j’espère que connaissant la vérité, vous lui tournerez le dos…
La suite du témoignage: Comprendre, Analyser, Valider, Accepter l'inacceptable et se Reconstruire
Bibliographie sommaire: (Voir Bibliothèque Harcèlement-Rumeur)
Le
harcèlement moral - la violence perverse au
quotidien
- M-F.
Hirigoyen (Bibliothèque
Livre
9)
Les
manipulateurs sont parmi nous –
I.
Nazare-Aga (Bibliothèque
Livre
12)
La pathologie narcissique
–
J. Bergeret
– Editions Dunod - 1996 (Bibliothèque
Livre
14)
Petit
traité de manipulation à l'usage des
honnêtes gens –
R.V Joule
et J.L Beauvois – (Bibliothèque
Livre
15)
La jouissance de
l'hystérique –
Lucien
Israel (Bibliothèque
Livre
16)
Les violences morales –
Nicole
Jeammet (Bibliothèque
Livre
17)
Pour en finir avec le
harcèlement psychologique –
Christian
Balicco (Bibliothèque
Livre
18)
Le harcèlement
moral –
F Ancibure
et Galan-Ancibure – Milan - 2006 (Bibliothèque
Livre
13)
Des perversions sexuelles
aux perversions morales –
Alberto
Eiguer (Bibliothèque
Livre
23)
Echapper aux
manipulateurs –
Cristel
Petitcollin (Bibliothèque
Livre
33)