Qu'est ce qui pousse certaines consciences radicales de la laïcité française, de l'athéisme ou des "valeurs occidentales" à vouloir imposer aux autres des restrictions vestimentaires qu'ils estiment indispensables à la bonne marche de la république dont ils se considèrent certainement comme les gardiens du temple ?
La réponse est probablement contenue dans la question.
En tous cas, cela démontre que la conception primaire de la laïcité peut être aussi une religion comme une autre avec son clergé, ses grands prêtres, ses moines-soldats et ses loges plus ou moins visibles dont l'objectif reste, comme tous les clergés, d'encadrer les ouailles et les profanes par une batterie d'interdictions plus ou moins symboliques et d'imposer leur filtre dans la vision de la société et de la relation que chaque "paroissien" doit avoir avec les autres.
Comme toujours, c'est sous le couvert (ou le couvercle) de grands principes humanistes, voir même du devoir de protection, que ces radicaux partent en croisade en désignant publiquement ceux qu'ils présentent comme des dangers pour la personne et des ennemis de la société, lesquels sont singulièrement aussi les plus réfractaires au coté obscur de leurs intentions et au pouvoir qu'ils exercent sur la conception de la liberté publique.
Le lancement de la deuxième phase visant à l'interdiction totale du voile islamique, via la burqa, illustre les intentions de ces "consciences" qui risquent cette fois-ci de ne pas trouver grand soutien de la part d'une majorité de citoyens et de contraindre au repli communautariste les musulmans et les musulmanes français les mieux intégrés. En d'autres termes, le "combat" des grands prêtres orthodoxes de la République laïque pourrait bien apparaître publiquement comme identique dans la forme et dans le fond, à celui qu'ils reprochent aux "intégristes" de mener, ne serait-ce qu'en raison de la faiblesse du prétexte qu'ils utilisent pour les affronter indirectement.
En effet, l'argument employé de la volonté de libérer la femme portant la burqa de l'emprise de leurs pères, de leurs maris ou de leur "gourou religieux" pour justifier une nouvelle loi "laïque" se heurte d'une part au nombre insignifiant de personnes visées (à peine un ou deux milliers) et au fait que "la majorité a volontairement adopté cette tenue" que "beaucoup ont la nationalité française et que "l'on compte pas mal de converties dans leurs rangs" comme le rappelle Bernard Godard, ancien membre du Bureau des cultes au ministère de l'Intérieur.
D'autre part, comme on ne trouve à ma connaissance aucune trace dans l'histoire d'une loi vestimentaire précise et restrictive applicable en temps de paix (1), si ce n'est la sage et logique évocation du principe de la "tenue correcte" dans la législation sur les atteintes publiques à la pudeur, il y a fort à parier que cette innovation heurtera profondément la grande majorité des citoyens de confession musulmane ou de culture arabe qui apparenteront logiquement cette nouvelle contrainte à la restriction d'une liberté fondamentale et inquiétera une grande partie des autres à l'idée sous-jacente qu'un uniforme puisse s'attacher à un type de régime, en l'occurrence la République laïque orthodoxe.
Enfin, on discernera aussi l'aspect malheureusement habituel, mais révélateur, de la stratégie qui consiste à s'attaquer publiquement à ceux qui ne peuvent se défendre en les marginalisant pour atteindre par la bande ceux que l'on considère comme leurs "chefs" ou leurs inspirateurs.
Il
serait en effet plus
courageux et plus constructif pour les
croisés de l'ordre laïque de débattre
directement et publiquement avec ceux qu'ils visent
réellement, c'est à dire les tenants
de l'islam orthodoxe, voir même de l'Islam
intégriste, ne serait-ce que pour nous
laisser la liberté de nous faire une opinion.
A moins bien sur que leurs arguments, notamment leurs compréhensions
de l'Islam et de la culture musulmane et arabe, ne courent
le risque
d'apparaîtrent décalés,
formatés ou carrément fausses au contact de
la réalité, que leurs
conceptions de la république et de la liberté ne
se révèlent bien éloignées
de celles du Peuple ou pourquoi pas qu'ils dévoilent une
inspiration ou des intérêts que l'on ne
soupçonnerait pas.
C'est par la volonté d'en passer par ce genre de débat public, avec ceux qui sont directement concernés, que l'on jauge le respect et le degré de liberté que consentent au Peuple les gardiens de tous les dogmes.
Lire aussi mes commentaires d'actualité
sur le sujet:
La leçon d'humaniste belge ou la
fatwa des gardiens de la laïcité
française ?
Un bandeau sur les yeux vaut bien une burqa sur le visage
(1) Pendant la dernière occupation de la France, une loi spécifique imposant la couture sur le vêtement d'un signe distinctif (en l'ocurrence une étoile jaune, rose, etc...), visait certaines communautés. Cependant, cette mesure n'a été rendue possible qu'en raison du contexte particulier d'occupation et reste à ce titre attachée à une période de guerre où l'autonomie nationale et les principes républicains n'avaient plus court.
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