Les médias sont l'outil de base de la gouvernance moderne. Dans un monde ou nous sommes de plus en plus individualistes et de moins en moins indépendants et libres, l'information médiatique sous toutes ses formes nous sert de guide, de vecteur d'émotions et de modèle de pensée.
Ils représentent donc le formidable outil de conditionnement des populations aussi nécessaire à la "science politique" qu'au marketing commercial. S'ils ont un tel pouvoir, ils restent cependant un simple outil de façonnage qui ne peut fonctionner sans le carburant-argent et donc sans un propriétaire, lequel en usera évidement selon ses intérêts.
Ce n'est donc pas un hasard si, en France, les principaux médias appartiennent peu ou prou aux propriétaires des principaux empires économiques nationaux. Mais c'est encore moins un hasard si ces empires constituent en grande partie leurs fortunes avec l'aide de l'Etat (contrats publics à l'étranger, usage de l'influence diplomatique, etc...), ou mieux encore sur les fonds publics grâce aux contrats du même nom (BTP, Aéronautique militaire et civile, etc...). Car c'est bien là qu'est la clé, dans la synergie d'usage d'un même outil tantôt orienté politique et tantôt orienté économique.
Qui tient les médias, tient l'opinion, et qui tient l'opinion tient le pouvoir. En étant maître de l'outil médiatique, on est aussi maître de ceux qui en ont besoin. C'est la raison pour laquelle l'industrie agro-alimentaire, le secteur automobile ou celui des biens à la personne, ne vivant pas de l'Etat, sont singulièrement absents de l'actionnariat dans les groupes de médias. CQFD.
Si la montée en puissance de cette prise en main - donc de ce contrôle - s'est opérée sur les trente dernières années, elle atteint aujourd'hui son objectif avec la mise sur orbite du président français.
Les fortes
amitiés - pour certaines de l'ordre de la
complicité fraternelle - qu'il
entretient avec les propriétaires des médias
majeurs sont largement revendiquées et
exposées, au point qu'elles apparaissent plus importantes
que les liens avec sa famille politique.
Pour preuve, la quasi-absence
d'invitation
pour ses "compagnons politiques" et la présence fraternelle
de ses "amis" à la soirée privée du
Fouquet's (1)
ou le néo-président fêtait sa
victoire pourtant exclusivement politique, trahissait la
réalité du "clan", donnait une idée
des véritables artisans de la carrière
et par voie de conséquence la cruelle désillusion
qui a dû frapper les fidèles "lieutenants
politiques" découvrant un peu tard
la réalité des contours de l'utilité
qu'ils représentaient aux yeux du "chef" et le type
de considération qu'il leur portait.
Ainsi, cette promiscuité fraternelle affichée montre une telle convergence d'intérêts qu'elle ne peut pas être considérée comme un simple échange de moyens entre le politique et l'économique, entre l'ambitieux et le bailleur de fonds, ou même comme un rapport de force où l'économique serait le dominant suscitant un retour d'ascenseur à la manne de ses subsides, mais comme l'expression d'une synergie de conquête ou chaque membre du "clan" - forcément restreint à quelques amis - rempli son rôle dans le domaine qu'il a investi en utilisant des moyens fraternellement mis en commun.
La manière dont Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa a entretenu des journalistes du quotidien Les Echos sur la prise de contrôle de leur journal par Bernard Arnault (son témoin de mariage !) et des nominations qui l'accompagnent, laisse clairement le sentiment que l'opération est plus le fruit d'une décision concertée par un petit groupe d'amis dont il est l'un des éléments que le résultat d'une information "off".
Les journalistes pourront donc à loisir pester contre les risques de pressions éditoriales des propriétaires sans que cela n'affecte l'outil de conditionnement des populations, ni n'agrège efficacement à leur combat l'appui de ces dernières.
Il y a en effet longtemps que la grande majorité des journalistes - dont la profession est trustée par les écoles spécialisées et science-po réunis - ont relayé la pensée unique apprise souvent sur les mêmes bancs que le personnel politique, quelles que soient leurs sensibilités individuelles. Aussi, sans minimiser la pression de la ligne éditoriale imposée par les propriétaires des médias, il convient de relativiser les limites naturelles de la "liberté de la presse" aux frontières de la remise en cause du système que tracent eux-mêmes les journalistes .
L'outil médiatique est décidément maintenant en parfait état de marche pour servir la gouvernance de la population en façonnant l'esprit et les réactions. En France, la lecture de la liste des propriétaires des médias majeurs et la clarté de leur réseau d'amitié, notamment au plus haut niveau de l'Etat, a l'avantage de ne donner aucune excuse au citoyen qui continuera d'apporter crédit à ce canal d'information et de critiquer simultanément sa dépendance au "Grand Capital".
Hormis quelques journalistes indépendants dont les enquêtes et la plume n'ont pas d'avenir dans ces médias, il reste les amateurs qui s'expriment sur le Net et dont le seul patron et la seule dépendance se résument à leur propre liberté de penser, de réfléchir et de soumettre leurs analyses et leurs informations aux citoyens que le moule médiatique rend allergique.
NB: Merci de signaler les liens inactifs. Une copie PDF de ceux-ci vous sera adressée.
(1) Voir le livre La nuit du Fouquet's d'Ariane Chemin et Judith Perrignon.