Avez-vous
remarqué que les anti-mondialistes
d'il y a quelques années ont été
remplacés médiatiquement
par les alter-mondialistes?
Pour le citoyen encore convaincu que les média sont un système d'information crédible, les anti-mondialistes ont quitté en 1999 la rubrique des faits divers associés aux raouts mondiaux du G8 pour une place politiquement correcte dans les rubriques nobles. Rapidement, le mouvement alter-mondialiste a pris forme avec des têtes issues du monde écologique ou syndical autonome auxquelles se sont joints des politiques recyclés navigant depuis longtemps dans le "métier". Parallèlement de nouveaux concepts sont venus perfuser les débats politiques moribonds comme le développement durable ou l'éthique. L'ensemble est sensé représenter un contre-pouvoir au système mondialiste.
Or, quant les médias changent une appellation et remplacent du jour au lendemain les anti-mondialistes par les alter-mondialistes, c'est évidement une "opération" calculée qui n'a rien de spontanée et qui ne repose sur aucune réalité.
En pratique cette technique impose l'idée que le mouvement anti-mondialiste passe de la contestation du système à la volonté d'en construire un autre ou plus exactement de le construire autrement. Il ne s'agit donc pas d'une récupération au sens traditionnel mais d'un "recadrage". La confusion a la pleine odeur de la manipulation sur fond de création d'illusions et de "préparation" de la partie du public occidental non averti, mais visé à terme par le nouvel ordre des choses.
C'est donc sur les mots que "l'opération tour de passe-passe" s'est réalisée en premier lieu. Comme d'habitude la symbolique n'est pas innocente.
Ce remplacement a sauté aux neurones de quelques "puristes" mais aussi aux oreilles des gens de bon sens. Car les mots ont une importance capitale dans toutes les manipulations de masse. En combinant leur signification étymologique précise et la symbolique qu'ils véhiculent, ils contiennent le sens premier de leur origine, leur cheminement à travers le temps, la perception que l'on en a et la condition d'une vraie communication. Ainsi, leur emploi peut évoluer mais pas leur signification profonde.
Cependant, aujourd'hui et de plus en plus, le sens que chacun met dans un mot est de l'ordre de la symbolique personnelle et se sépare de sa signification originelle à l'instar de ce que faisait dire Lewis Caroll à Humpty Dumpty dans Alice au pays des merveilles ("Quand j’emploie un mot, dit Humpty Dumpty avec un certain mépris, il signifie ce que je veux qu’il signifie, ni plus ni moins").
A cette individualisation du sens des mots s'ajoute la symbolique émotive collective qui permet la réaction conditionnée. Ainsi des mots ont été transformés en tabou, d'autres en symbole ou ont été sacralisés. Il suffit par exemple à un personnage public d'affirmer qu'il n'est pas raciste pour justifier la légitimité d'actes et de décisions qui le sont à l'évidence pleinement. Il en est ainsi d'un catalogue de mots à lourds stéréotypes, amalgames, sophismes et présupposés fermant la pensée mieux que ne le ferait le plus efficace conditionnement ou la plus redoutable censure.
Un peu de décryptage est
donc nécessaire. Nous allons voir qu'il est
même très utile et
révélateur.
Le Larousse rappelle que le préfixe
grec anti signifie: en face de, contre, opposé, et exprime
l'idée
d'hostilité. (voir aussi). C'est à
dire une
notion d'opposition.
Par contre alter vient du latin et signifie selon
le dictionnaire Gaffiot:
1- L'un des deux: Alter
consulum triumphavit (L'un des deux consuls triomphera).
2- Second. Alter parens.
(Un second père).
3- L'Autre (en parlant de deux). Nihil
alterius causa facit. (Il ne fait rien pour autrui).
Autrement dit une notion
d'égalité.
A l'évidence ces deux notions
impliquent un positionnement
totalement différent vis-à-vis du sujet.
En
l'espèce il
y a un fossé entre les préfixes anti et alter
qui modifie radicalement le sens de l'attribut de sorte qu'en
transformant aux yeux du public peu averti les anti en alter, on glisse
étymologiquement
d'opposants radicaux à partenaires
indépendants. Est-ce clair ?
Dans le cas de la mondialisation, cette manipulation revêt un caractère subtil que trahie le changement de vocabulaire.
En effet, comme il est clair que le mouvement populaire rejetant le système mondialiste correspond profondément à une réaction spontanée, logique et naturelle de l'immense majorité des habitants de la planète, la seule solution était de créer de toute pièce une représentativité qui permette de calmer les intentions individuelles non contrôlables à grande échelle et leur réunion naturelle par la base.
Partant du constat que nous sommes conditionnés en moutons de Panurge, on sait à quel point le rôle des leaders charismatiques permet de cristalliser les foules, de favoriser l'abandon de l'action individuelle au profit d'une collectivité incarnée, d'en identifier ses composantes, et ... de contrôler l'évolution du tout en "éclairant" et contrôlant les leaders. C'est d'ailleurs sur cette base que s'est perverti le système dit démocratique conçu par les "élites" du système pour justifier leur légitimité représentative, l'acceptation de la structure pyramidale de gestion de la société et la délégation du pouvoir citoyen..
Dans cette optique, les médias officiels jouent le rôle capital de "fabricants" de représentants charismatiques ou autorisés en donnant l'illusion que la réaction s'incarne au travers d'individus émergeants, mieux placés pour défendre la cause. Toute la manipulation repose sur cette captation d'une réaction transformée en concept et incarnée par des leaders sans troupes réelles et dont le discours est d'ailleurs largement culpabilisateur.
En imposant ces "représentants" ou ces "consciences" choisis dans les couches supérieures ou intermédiaires du système existant, les médias ont donc permis de créer une nébuleuse sans forme dont les préoccupations politiques et corporatistes variées n'ont pas grand chose à voir avec les attentes concrètes et la volonté populaire.
A l'opposé, le
sentiment anti-mondialiste, comme
l'ont
montré de nombreux reportages et articles, est
physiquement insaisissable et donc non manipulable.
C'est
d'ailleurs ce qui atteste de son caractère
profondément
naturel, universel et populaire.
L'anti-mondialisme est une opposition au principe d'un système politique, économique, financier et administratif unique et centralisé, applicable à tous les peuples de la planète. Les raisons principales sont culturelles dont le besoin vital de conserver les racines des peuples, les particularités de leurs langues, leur autonomie et leur libre détermination. Elles sont aussi économiques à commencer par l'indispensable maîtrise des ressources alimentaires locales. Les anti affirment que ceci n'est absolument pas opposé à la coexistence pacifique dès lors que les prédateurs sont tenus à l'écart. Ce n'est d'ailleurs pas une opinion mais un constat.
En cela les anti-mondialistes s'opposent radicalement au pro-mondialistes. Ces derniers composés essentiellement par les classes dirigeantes de tous les secteurs et quasiment de tous les pays du monde prônent une gouvernance mondiale globale en tentant de convaincre les peuples qu'elle est la condition de la paix et de la prospérité. L'actualité quotidienne tous secteurs confondus montre l'inverse.
L'alter-mondialisme
se situerait entre les deux, ou plus exactement prendrait un peu des
deux en
voulant offrir une "troisième voie". En tout
cas, c'est ce que suggère le traitement
médiatique et que développe quelques-une des
personnalités de la tendance. Cette "troisième
voie" est d'ailleurs une formule traditionnelle
des jésuites reprise par la
franc-maçonnerie et qui ajoute du sirop pour faire passer en
douceur
la pilule sans traiter le mal. C'est à ce stade
que la signification des mots nous est utile. Nous avons vu
qu'alter signifie égal ou identique. Dans le cas
présent il
contient
deux emplois. D'abord le positionnement qui le place sur
l'échiquier et non en dehors. Ensuite la
même
vision fondamentale de la finalité du système.
Ainsi, l'alter-mondialisme
ne refuse pas le
système mais propose de l'accompagner avec des valeurs
dites humanistes.
Les deux symboles que sont Davos et le Forum Social Mondial ont en commun de poser comme principe qu'hors de la globalisation et de la mondialisation il n'y a pas de salut. Le néo-libéralisme mondial a donc généré sciemment sa propre opposition pour empêcher les oppositions radicales identitaires et anti-globalisation.
Cet état de fait a donc pour objectif de faire accepter la notion d'une gouvernance à l'échelle mondiale sous couvert d'un système démocratique mondial unique, et justifie pleinement l'existence des alter-mondialistes.
Ce raccourci pourrait paraître osé ou un peu rapide si les discours des uns et des autres ne confirmaient systématiquement cette vision identique d'un avenir planétaire globalisé, rationalisé et normalisé. L'opposition n'est que de principe ou de méthode.
Là intervient un autre mot, clé de voûte de la "pensée alter-mondialiste": l'humain. Or, il y a aussi un monde entre le "concept humaniste" et l'humain véritable pour la raison simple que le premier rationalise une symbolique alors que le second vit. Des formules comme "ll faut mettre de l'humain dans le système" ou "il faut mettre l'humain au coeur des réalisations" montrent bien que la vision part du système et y intègre la dimension humaine comme on intégrerait une variable essentielle quelle que soit l'émotion qui l'accompagne. Bref, il y aurait des bons et des mauvais bergers pour conduire le troupeau, ceux qui les aiment et ceux qui les utilisent. La finalité restant quand même, rappelons-le, .... l'abattoir.
L'exemple emblématique d'ATTAC, son idéologie et son fonctionnement, résume cette vision et traduit sa mise en oeuvre sur fond de "répartition des richesses".... via la taxation et .... la maîtrise de l'organisation de la "redistribution".
Dès lors, on peut se poser la question du rôle réel dévolu à l'alter-mondialisme dans la "fusée globalisation", contre-pouvoir apparent mais aussi et surtout porteur de l'organisation structurelle et idéologique de la mondialisation humaniste avec tout ce qu'elle comporte de conceptualisation et des effets de sa mise en pratique.
Dans
tous les cas, les nombreux sympathisants sincères et
très estimables de l'alter-mondialisme auraient
intérêt à faire clarifier par les
leaders du
mouvement leur vision de ce que doit être à leur
sens et
dans la pratique la finalité de la "bonne mondialisation".
Ceci
éviterait les inévitables désillusions
à venir quand le constat de la mise en pratique des
"idées" tire autant de larmes que de regrets.
Paul-Vincent
PAQUET - ©
Décembre 2006
Contact
Voir en complément ma chronique:
Malheur
à ceux qui ne respecteront plus les dieux et les
maîtres de la société orwellienne.
Mise
en place du prétexte menant au traitement
réservé aux hommes libres.
La suite
à venir: La
marche forcée vers
la globalisation: Le concept alter-mondialiste succède au
néo-libéralisme
NB: Merci de signaler les liens inactifs. Une copie PDF de ceux-ci vous sera adressée.
Bibliographie sommaire: (Voir Bibliothèque Mondialisation )